Alors que le mois de l’ESS s’achève dans toute la France, notre secteur s’interroge sur les réformes en cours dont on mesure assez difficilement l’ampleur et l’impact pour les SIAE. Par ailleurs, le secteur voit l’arrivée de nouveaux acteurs se positionnant plus fortement sur les enjeux d’inclusion. Cette arrivée questionne non seulement sur le sens des entreprises sociales, mais aussi sur une potentielle forme de substitution de ces dernières par de nouveaux acteurs de l’inclusion, concept élargi, ouvert pour ne pas dire dérégulé.
Ces interrogations sont d’autant plus fortes que les dernières analyses sur les politiques publiques d’accompagnement de l’ESS semblent montrer que les choix gouvernementaux actuels continuent de peser négativement sur le secteur dans sa globalité.
Alors qu’entre 2010 et 2016, l’économie sociale et solidaire (ESS) a créé 87 200 emplois, contribuant à 25 % du solde net d’emplois sur cette période dans le secteur privé, c’est une inversion de tendance à laquelle nous assistons. Suite au gel des contrats aidés en 2017, le nombre d’embauches a baissé de 71% par rapport à 2016. Les réformes fiscales et notamment la fin de l’ISF ont fait diminuer les dons de 4% en 2018. La forte baisse des subventions et la réforme du mécénat d’entreprise ont eu un fort impact sur le secteur. Au total, c’est plus de 16 000 emplois qui ont disparu en 2017 et 2018, marquant pour la première fois une diminution du nombre d’emplois créés dans l’ESS.
Ces mesures impactent ceux qui sont déjà les plus fragiles. Cette baisse des emplois touche en particulier les associations, et les territoires fragiles (zones rurales et quartiers populaires) plus dépendants des financements publics. Les structures à but non-lucratif s’en trouvent fortement entravées dans leurs opportunités de développement, et de nombreuses organisations sont menacées de disparition. Dans le secteur de l’IAE, nos craintes sont particulières concernant les Associations Intermédiaires, absentes également du soutien gouvernemental au secteur de l’IAE.
Avec le développement de la RSE et des « entreprises à mission » consacré par la loi Pacte, cette baisse de moyens dans l’ESS n’est pas anodine. Elle traduit une tendance à substituer le secteur de l’ESS par une économie classique qui face à ces contradictions, aux externalités négatives produites voient dans le modèle de l’ESS un moyen de dépasser ces dernières. Si nous portons collectivement la volonté de dépassement de nos modèles pour infuser dans l’économie classique, il peut sembler inquiétant que les pouvoirs publics encouragent un modèle de substitution plutôt que de complémentarité.
L’économie sociale, par ses modèles, transforme les externalités négatives en opportunités de développement en filières riches en emploi et respectueuses de l’environnement. Cette approche unique par sa dimension transformatrice n’est pas substituable. Ces structures portent des missions qui ne peuvent être remplacées par des acteurs de l’économie classique. Nous avons besoin de l’ESS et de politiques publiques encourageant le développement de ce secteur construit par et pour les personnes qui en ont le plus besoin, au cœur des territoires délaissés par les entreprises classiques et la puissance publique.
Elodie Coutelier, Présidente de COORACE Île-de-France
Olivier Flament, Vice-président de COORACE Île-de-France
Retrouvez nos anciens éditos :
L’édito de Novembre 2019
L’édito d’Octobre 2019