Le 20/12/2023
L’Assemblée Générale de Coorace IDF réunie ce matin exprime son opposition unanime à la loi anti immigration. Dans cette tribune, Olivier Flament et Elodie Coutellier (Président et Vice-Présidente de Coorace IDF), en expriment les raisons.
Hier soir, une loi anti-immigration a été votée au parlement après une séquence de tractations entre le gouvernement et la droite, avec le soutien de l’extrême droite. Comme de nombreuses associations, ONG[1], partis[2], syndicats[3], la Défenseure des droits[4], Coorace IDF voit en cette loi un ensemble de mesure anti étranger, pour la précarité.
Nos SIAE accompagnent les plus précaires, s’engagent à lutter contre les racismes, les discriminations, pour le droit des étrangers et des plus démunis et nous ne pouvons-nous taire ce matin.
On nous explique que cette loi répondrait à la demande de sécurité des Français. En quoi conditionner le versement des prestations sociales répond-elle à une problématique de sécurité ? Au contraire, cette loi précarise les précaires, met à la rue les étrangers sans papiers, insécurise et in fine provoque une économie informelle où les personnes sont exploitées, sans être déclarées, pour des profits indignes de délinquants en col blanc. Elle participe à créer une fracture sociale dont nous constatons tous et toutes déjà l’ampleur et la gravité.
En tant que dirigeant de SIAE nous accompagnons les personnes en situation de précarité. Aujourd’hui, nous constatons tous et toutes la difficulté d’accès au droit des étrangers en France.
Chaque jour, nos salarié.e.s sont confrontés à l’arbitraire, l’aléatoire, les manques de moyen des services préfectoraux, au parcours du combattant pour accéder aux droits. Des travailleurs, déjà intégrés dans des entreprises, en train d’apprendre le français, participant à la vie de notre société sont freinés, empêchés, voire interrompus dans ces parcours. Ils sont contraints d’arrêter de travailler, voient leurs demandes de titres de séjour refusées, perdent leur accès à des allocations pour lesquelles ils ont cotisé, sont intimés de quitter le territoire français. Ceci parce que leurs démarches en préfecture leur sont rendues impossibles, ne sont pas traitées à temps, sont opaques et inutilement complexes.
Cette loi vient aggraver lourdement cette situation, et en tant qu’accompagnants, nous percevons tous et toutes ses conséquences directes sur des personnes déjà fragilisées.
Les femmes étrangères en France, déjà précarisées, le seront d’autant plus avec cette loi. Elles sont sur-représentées dans les emplois non-déclarés, avec de faibles salaires et une mauvaise protection. En les clandestinisant davantage, on les maintient, on les renvoie, dans des situations violentes qu’elles subissent déjà bien souvent : travail dissimulé, exploitation, viols et agressions, chantage sexuel[5].
Nous avons tous et toutes déjà été confronté au paradoxe de l’accès au travail pour les étrangers. Il faut travailler pour obtenir un titre de séjour, mais avoir un titre de séjour pour travailler. Cette loi renforce cette situation, au mépris de tout bon sens en termes d’accès à l’emploi, de résolution des problématiques de recrutement, d‘amélioration des conditions de vie.
Les étrangers en France ne sont pas une main d’œuvre bon marché pour des métiers en tension, que l’on pourrait contrôler à coups de quotas, de permis provisoires. Le droit à l’hébergement de tous et toutes est un devoir moral, constitutionnel, en particulier pour un pays revendiquant son attachement aux Droits de l’Homme. Le regroupement familial et le droit du sol sont des droits fondamentaux. Ils ont fait la richesse de notre nation, de nos structures, composés de français de toutes origines. S’y attaquer, c’est s’en prendre à des enfants, pour satisfaire des fantasmes d’extrême droite, revenir sur les valeurs fondamentales de notre pays, faire régresser des droits construits et enrichis depuis plusieurs siècles.
Dans les prochaines semaines, nous mènerons une analyse plus détaillée des conséquences sur les salarié.e.s en insertion et leurs familles de ce texte. Nous participerons aux mobilisations des collectifs d’associations qui militent pour que le droit protège, progresse, et cesse de mépriser les étrangers. Nous continuerons à défendre toutes les personnes en difficultés sociales ou professionnelles, conformément aux valeurs portées par Coorace.
Olivier Flament, Président de Coorace IDF
Elodie Coutellier, Vice-Présidente de Coorace IDF
[1] Cf Communiqué : https://www.france-terre-asile.org/images/v2_CP_envoye%CC%81_cmp_conclusive.pdf (Action contre la faim, Anafé, ANVITA, CCFD-Terre Solidaire, Centre Primo Levi, CGT, Cimade, Collectif des Sans-
Papiers de Montreuil (CSPM), Collectif des Travailleurs Sans-Papiers de Vitry 94 (CTSPV 94), Coordination 75 des Sans-Papiers (CSP 75), CRID, Dom’Asile, Droit à l’école, Emmaüs France, Emmaüs International,Emmaüs Roya, Fédération de l’Entraide Protestante, Fédération Etorkinekin Diakité, Femmes de la Terre, Fondation Abbé Pierre, Français langue d’accueil, Les Francas, France terre d’asile, Geres, Gisti, Grdr Migration-Citoyenneté-Développement, Groupe accueil et solidarité (GAS), J’accueille by SINGA, JRS France, Kabubu, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Ligue de l’enseignement, MADERA, Médecins sans frontières, MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples), Observatoire international des prisons – section française (OIP-SF), Oxfam France, Pantin Solidaire, Paris d’Exil, Pas Sans Nous, Polaris 14, Sidaction, SINGA, Solidarités Asie France (SAF), Thot, Tous Migrants,UEE (Union des Etudiants Exilés), Union syndicale Solidaire, UniR(Universités & Réfugié.e.s), Utopia 56, Watizat)
[3] Union Syndicale Solidaire, CGT, CFDT, France Universités, UNSA, Syndicat de la magistrature, FSU
[4] https://www.defenseurdesdroits.fr/projet-de-loi-immigration-la-defenseure-des-droits-salarme-du-choix-de-la-preference-nationale-530
[5] En 2023, une étude menée par des chercheurs de l’Université d’Aix Marseille, a démontré que sur une cohorte de 273 femmes demandeuses d’asile en France, 27,9% avaient été victimes de chantage sexuel pour l’obtention d’un logement ou d’un travail. 75% d’entre elles ont subi un viol. (« Incidence of sexuel violence among recently arrived asylum-seeking women in France : a retrospective cohort study », The Lancet, le 17 sept. – https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S2666-7762%2823%2900150-3)
Note : Coorace se mobilise depuis le début du projet de loi afin de le contrer. Nous avons signé en Novembre 2023 une tribune dans le Monde, avec l’ensemble des membres du « Pacte du Pouvoir de Vivre » pour demander son retrait. Nous maintenons cette position. Ce texte peut être retrouvé à ce lien : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/15/nous-appelons-au-sursaut-collectif-avant-le-passage-du-projet-de-loi-sur-l-immigration-a-l-assemblee-nationale_6200188_3232.html